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Christian Cambon : “Il s’agit de construire pas à pas l’Europe de la défense”

16 Juin 2022 | Eurosatory Report

A l’occasion de sa venue à Eurosatory, le sénateur du Val-de-Marne Christian Cambon (Les Républicains), président de la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées du Sénat a accordé mercredi 15 juin une interview exclusive au quotidien du salon.

En quoi est-ce important pour vous et pour la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées du Sénat de se rendre à Eurosatory ?

Il est normal que les membres de la commission que j’ai l’honneur de conduire viennent en nombre afin de découvrir le matériel militaire, de voir le “made in France”… C’est très utile. Nous avons la chance inespérée d’avoir dans un espace contraint tout ce que l’industrie d’armement est en mesure de faire. Il est donc important de voir concrètement et physiquement les innovations à un moment où, plus que jamais, la France va devoir se réinterroger sur son dispositif de défense. 

Nous sommes au milieu de la loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025 (NDLR : qu’Emmanuel Macron veut “réévaluer” à l’aune de la guerre en Ukraine). Par ailleurs, on voit bien que le contexte de la guerre en Ukraine change beaucoup le logiciel. Cette visite de terrain à Eurosatory et cette réflexion alimentent les décisions qui vont devoir être prises. Le but est notamment de rendre de l’épaisseur à nos forces armées, alors qu’elle est insuffisante, comme en matière de munitions. Nous prélevons sur nos propres stocks de quoi alimenter la défense de l’Ukraine. Notre commission a été l’une des premières à évoquer l’insuffisance des munitions et les trous qu’il peut y avoir dans la défense aérienne, par exemple.

Emmanuel Macron a appelé lundi à « tirer les conséquences » du bouleversement géopolitique provoqué par la guerre en Ukraine. Parmi ces conséquences, celle « d’une entrée dans une économie de guerre dans laquelle nous allons durablement devoir nous organiser » a-t-il estimé. Ce sont des sujets sur lesquels le Sénat compte également s’investir ?

Il va falloir que politiquement, avec le gouvernement et sous les indications du président de la République, le Parlement s’interroge sur le moyen de retrouver ses marges de manoeuvre, de retrouver ses capacités et de retrouver un moyen de pouvoir se renforcer car c’est bien le sujet. Les forces françaises sont des forces extraordinaires mais, quand nous sommes confrontés à un conflit, nous manquons d’épaisseur.

Il faut que le gouvernement ait le courage de tenir les engagements pris dans le cadre de la LPM actuelle, qui va consacrer trois milliards de plus chaque année entre 2023 et 2025. Je pense qu’il faut aller plus loin, en réfléchissant à l’utilité de tous les matériels et en réfléchissant aussi à la question de la coopération européenne car ces matériels efficaces coûtent cher.

De nombreux pays européens, inquiets pour leur sécurité, ont annoncé l’augmentation de leur budget de défense. La réponse doit-elle être européenne ?

Avec la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées du Sénat, nous avons profité de la présidence de l’Union européenne par la France pour recevoir en grand nombre les ministres de la Défense et les chefs d’état-major des puissances européennes.

L’un des effets de la guerre en Ukraine est de faire mieux prendre en compte à l’ensemble des pays européens la nécessité de renforcer leurs défenses. Quand l’Allemagne annonce mettre 100 milliards sur la table pour moderniser sa défense, c’est un exemple spectaculaire et un événement sans précédent quand on connaît la tradition allemande. La France a un rôle tout à fait particulier à jouer afin d’essayer de fédérer autour d’elle les pays européens qui souhaitent se renforcer. Il faut que l’on aille dans cette voie, non pas pour faire des économies mais en termes d’efficacité parce que c’est ce qu’on appelle l’interopérabilité.

L’Europe de la défense telle que je la conçois est celle d’une Europe de briques empilées les unes au-dessus des autres qui finissent par faire un mur. Ce n’est pas une Europe des mots d’ordre comme “armée européenne”, un terme qui effraient nos voisins. Il s’agit de construire pas à pas cette Europe de la défense : on l’a fait avec la Grèce sur les avions, avec la Belgique sur les blindés légers et on va continuer à le faire avec un certain nombre de pays. A chaque fois que nos amis européens nous font confiance, quelque part, c’est l’Europe de la défense qui avance.

Propos recueillis par Julien Chabrout