Par J. M. Guhl
EDR-Eurosatory Show Daily-On-Line a rencontré Mme Aurélie Pirillo à son retour d’Afrique et l’a questionnée quant à la présence de l’armée française sur le continent et son opinion sur le salon Eurosatory qui va ouvrir ses portes du 13 au 17 juin prochain.
Mme Aurélie Pirillo est la candidate officiellement investie par la droite et le centre à l’occasion des élections législatives des Français de l’étranger en Afrique et au Moyen-Orient, qui se dérouleront en juin 2022.
Actuellement Conseillère de Paris, pendant 10 ans cheffe de cabinet du député-maire du 16e arrondissement de Paris et ancien ministre du président Jacques Chirac, Mme Aurélie Pirillo a, pendant une décennie, travaillé à l’Assemblée nationale auprès de la Commission des Affaires étrangères ainsi que des groupes d’amitiés avec de nombreux pays africains et moyen-orientaux.
Parlez-nous de ce que vous connaissez bien, c’est-à-dire la présence militaire française en Afrique…
La France possède des forces pré-positionnées en Afrique au service de l’intérêt mutuel de la France et du pays hôte. Ces dernières sont organisées en deux blocs distincts. Les forces « de souveraineté » d’une part, présentes sur le territoire national aux Antilles, dans l’océan Indien, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie. Et les forces dites « de présence » d’autre part, situées dans des pays amis de la France et articulées en BOA (base opérationnelle avancée) à Djibouti, en Côte d’Ivoire et aux Émirats Arabes Unis ou en POC (pôle de coopération) au Gabon et au Sénégal.
Exemple type, le 6e Bataillon d’Infanterie de Marine (6e BIM) est le bataillon historique de l’armée française situé sur le Camp de Gaulle à Libreville au Gabon depuis l’indépendance. À la fois centre de gravité d’une relation privilégiée entre deux États liés par leur histoire, point d’appui opérationnel dans la région, vecteur de renseignements et d’actions de partenariat avec l’armée gabonaise, il est sans doute un exemple remarquable des bénéfices et de la pertinence de posséder des forces pré-positionnées en dehors de la métropole.
Ces forces pré-positionnées répondent-elles à la nécessité de protection du territoire national ou ont-elles juste un rôle de prévention des crises ?
Pivot des capacités françaises sur place, elles forment tout d’abord des « îlots de renseignement » présents partout dans le monde, assurant à la France la deuxième couverture militaire sur la planète après les États-Unis. Elles offrent également des capacités d’entraînement uniques au monde pour nos forces armées, garantissant ainsi leur haut niveau d’aguerrissement et de préparation opérationnelle. Dans cette continuité, elles sont des bases logistiques indispensables à nos opérations extérieures (Côte d’Ivoire pour Serval en 2013 puis Barkhane à compter de 2014, Libreville pour Sangaris en 2013-2014, Émirats Arabes Unis pour Chammal en 2015-2018). Le cas échéant, elles offrent enfin au décideur politique une liberté d’action stratégique par leur seule capacité de projection et de fulgurance.
Ces forces pré-positionnées ont-elles uniquement ce rôle, à la fois de recherche du renseignement et de formation ?
Non, car elles sont avant tout des outils remarquables d’influence dans les régions où elles sont implantées. Les partenariats locaux au service d’une relation privilégiée avec nos alliés sont notamment tissés par la coopération militaire (PMO : partenariat militaire opérationnel), qui vient entre autres renforcer l’autonomie des armées locales. Rappelons ici que plus de la moitié des vingt États contributeurs de la force des Casques bleus de l’Onu vient de pays africains.
Soulignons que la dégradation sécuritaire de nombreux pays du globe au xxie siècle rappelle les enjeux de puissance auxquels la France est tenue, faisant de ces forces pré-positionnées la pierre angulaire de notre capacité d’action et de rayonnement à travers le monde. Ce dispositif complète ainsi parfaitement le réseau diplomatique et culturel tricolore à l’étranger.
Comment la France peut-elle augmenter et pérenniser son rayonnement à travers le monde, et le peut-elle encore ?
À l’heure du retour des États-puissances dans le concert des nations, États qui s’affranchissent parfois des règles diplomatiques internationales convenues depuis 1945 et la conférence de San Francisco — et qui mènent une expansion économique, militaire et stratégique décomplexée particulièrement en Afrique, une expansion unilatérale qui nous met en déséquilibre avec nos alliés historiques —, la France doit œuvrer activement pour maintenir son pré carré et son rayonnement dans ses zones d’influence traditionnelles.
Pour ce faire, elle doit densifier son maillage militaire avec une politique plus volontariste du PMO dans toute l’Afrique équatoriale, et donc augmenter son volume de forces présent dans les bases actuelles, et reprendre pied dans les pays qu’elle a presque désertés (Centrafrique, Cameroun, RDC, Bénin, Togo, etc.).
Notamment, la France doit chercher à réinscrire son action dans une ambition et une vision à long terme, pour que la fin d’une opération extérieure ne signifie pas nécessairement la fin de la présence militaire française dans le pays hôte.
Il s’agit ici de créer un continuum de la présence française en se donnant de la souplesse lors des changements de statut de la présence militaire, pour passer plus facilement du statut « OPEX » au statut « PMO » par exemple, afin de maintenir un minimum d’implantations dans le pays partenaire.
Ces partenariats ne seront donc plus seulement des partenariats de circonstance dus aux opérations extérieures en cours mais bien des alliances sur le temps long qui rassureront nos alliés et offriront à notre pays rayonnement et puissance (et ce, à un coût financier raisonnable au regard du budget global du MINARM).
Le mois prochain, du 13 au 17 juin, se déroulera le salon Eurosatory. Que pensez-vous de cet événement et allez-vous le visiter ?
Le Salon Eurosatory est unique en son genre. C’est là, à Villepinte, en France, que se réunira la plus grande foire mondiale de l’industrie de Défense et de Sécurité. C’est une vitrine du savoir-faire actuel et futur de notre industrie et de l’industrie mondiale de la Défense et de Sécurité, qui sont absolument nécessaires aujourd’hui à chaque État pour préserver sa souveraineté et maintenir la paix. Quant à ma visite, je ferai tout mon possible pour m’y rendre, puisque, comme vous le savez, c’est entre les deux tours des législatives.